avec ton boulot des pauses déjeuner t'en vois pas souvent la couleur. la plus part du temps, voir tout les jours, tu t'arrêtes avec ton partenaire entre deux missions quelque part et vous mangez ça dans la voiture. au début ça te faisait tout bizarre comme façon de faire et puis avec le temps tu t'y es habitué. ce midi ne déroge pas à la règle et comme c'est ton tour, tu te retrouves devant un café, le costa, pour y prendre les commandes. c'est vrai qu'il y a plein d'autres endroits où manger mais vous perdez jamais de temps au cas où votre radio se met à parler. et puis toi ça t'arrange parce qu'au moins t'auras un café bon à boire et pas un jus de chaussette de grande surface.

t'es là dans la queue à attendre et puis devant toi, tu la vois. y'a exactement deux personnes entre vous mais c'est quand même vraiment trop à côté. depuis qu'elle est partie, tu l'as pas revu. t'avais fini par te dire que Ayr n'est pas une si petite ville que ça, la preuve elle n'était nul part. mais là, tu peux carrément sentir son odeur, qui au passage n'a pas changé depuis le temps. tu la vois que de dos mais tu peux quand même la reconnaître, être persuadé d'avoir raison. d'un coup t'es pris de panique, tu sais pas quoi faire. t'as trente deux ans mais sur le moment t'avoue qu'on pourrait t'en donner quinze. tu te comportes comme un ado perdu qui vit son premier crush. t'as envie de partir mais t'as aussi envie de te montrer mature alors tu vas rester et prendre ta commande. tu retourneras ensuite sagement dans la voiture de patrouille, où on t'attend, et tu finiras ta journée comme si de rien n'était. si ça se trouve, elle va peut être même pas te voir alors t'as franchement pas de mouron à te faire.

Une fois de plus, Ana avait passé la soirée - que dis-je, la nuit - de la veille à faire la fête. C'était une habitude qu'elle avait repris depuis à peine quelques mois. Elle s'était pourtant nettement assagit de ce côté-là, mais chasser les mauvaises habitudes, elles reviennent au galop. Pourtant, Ana était debout relativement tôt. Du moins, de son point de vue. Après tout, elle aurait pu passer la journée au lit, surtout qu'elle n'avait rien de prévu. Seulement, un horrible gargouillement l'a sortie de son sommeil. Elle se rendit alors compte que son ventre lui faisait mal. Ce n'était pas si surprenant que ça étant donné la quantité astronomique d'alcool qu'elle avait avalé, alors qu'au contraire, elle n'avait quasiment rien mangé. Ça aussi, c'était une vieille habitude qu'elle avait repris. Elle oubliait parfois de manger, littéralement. Ça lui sortait simplement de la tête. Et quand elle s'en rendait compte - ce qui n'était pas toujours le cas - elle se contentait d'une barre de céréales ou une connerie dans le genre. Elle estimait qui si elle oubliait, c'est qu'elle n'avait pas si faim que ça, alors à quoi bon. Bien sûr, ce n'était pas comme ça à chaque repas, elle pouvait même en faire de bien copieux, mais c'était surtout gênant quand elle sortait faire la fête. Au moins là, elle ne risquait pas d'oublier, son ventre criait famine. Après s'être levée péniblement, elle se retrouva dans une cuisine vide. Encore. Lorsqu'Ana vivait avec quelqu'un - ce qui est arrivé plus d'une fois - s'était la première à aller faire les courses, elle ne crachait jamais dessus. Cependant, quand elle se retrouvait toute seule, c'était une autre histoire (cf. le point au-dessus). Tout devait être plus ou moins imbriqué. Elle s'était donc préparée afin de sortir manger un morceau. C'est ainsi qu'elle se retrouva au Costa. Un peu par hasard, il faut l'avouer. Elle était encore toute barbouillée de la veille, elle n'avait pas forcément envie de manger copieusement. D'ailleurs, son premier choix fut le macdo, mais l'idée l'a dégoûta plus ou moins. Après avoir payé et son sandwich en main, Ana sortit de la file. Aussitôt, elle baissa la tête afin de ranger son porte-feuille dans son sac, seulement elle avait eu le temps de le voir entre temps. Moins d'une seconde. Elle avait posé les yeux sur lui moins d'une seconde et pourtant elle l'avait tout de suite reconnu. Elle qui se donnait tant de mal à aller spécifiquement dans des endroits où elle était sûre de ne pas tomber sur lui, il fallait finalement qu'elle le croise le jour où elle baissa sa garde. Elle continua son chemin, le nez encore fourré dans son sac. Elle releva la tête seulement une fois qu'elle l'avait dépassé. Oui, elle venait de l'ignorer comme il se doit. Et non, elle n'allait pas en rester là. Seulement, elle prit cette décision une fois dehors seulement. Elle s'adossa alors au mur, juste à côté de la porte, et attendit qu'il sorte.