☾ you weirdo, feel the beat, we don't hate,
we've got unicorn love

Il avait attendu d’entendre sa colocataire sauter dans la douche pour sortir de son lit. Il était pathétique, il le savait, mais il n’avait pas le courage d’affronter son regard et de lui sourire, ce matin. Surtout pas sans une bonne tasse de café au préalable, et il s’avérait justement que sa cafetière était cassée depuis un triste incident, deux jours plus tôt, qui avait laissé la machine dans un état lamentable, le sol de la cuisine d’une drôle de couleur, et le pied d’Isaac brûlé au deuxième degré. Il avait eu trop de boulot ces derniers jours pour pouvoir s’occuper de la réparer (lire : donner deux coups sur le couvercle, la débrancher, la rebrancher, et voir si ça fonctionne) et puisqu’aujourd’hui il avait enfin un peu de temps au réveil, il comptait en profiter. Enfilant un t-shirt ‘I LOVE CARDIFF’ – merci maman et papa pour ce colis de Noël tellement original – au dessus de son pantalon de pyjama à carreaux, il fila de l’appartement à l’anglaise après avoir attrapé ses clés dans l’entrée. Le sol était glacial, et il était pied nu, ce qui ne l’empêcha tout de même pas de descendre les deux étages qui le séparaient du rez-de-chaussée pour aller chercher son courrier. C’était lundi, et lundi, il recevait son magazine de design. Arrivé aux boîtes aux lettres de l’immeuble, il tomba sur sa propriétaire qui, comme à son habitude, leva un sourcil désapprobateur. "Belle journée, Mrs Todd, pas vrai ?" S’exclama-t-il avec une joie exagérée à outrance. Elle n’allait pas lui détruire sa matinée comme ça. Il était bien trop tôt encore pour qu’il accepte de la négativité. Introduisant la clé dans la serrure de la boîte de l’appartement 2B – le sien – il se saisit du magazine, hésitant une seconde avant d’en faire de même pour les factures qu’il aurait bien aimé laisser là, mais après tout, il fallait bien devenir adulte un jour ou l’autre. Il s’apprêtait à remonter quand il remarqua que la boîte du 2A – celle d’Annie – débordait. Disposé à faire sa bonne action, il l’ouvrit et s’empara du courrier de sa meilleure amie. Il avait découvert en arrivant qu’il suffisait de mettre sa clé dans la serrure des autres boîtes et de pousser très fort avec le plat de sa main sur la charnière pour ouvrir à peu près n’importe laquelle, mais mieux vaut éviter de lui demander comment il en était arrivé à cette conclusion.

Sa paperasse sous le bras, il remonta les escaliers dans l’autre sens – il avait horreur des ascenseurs – et arrivé à son étage, il poussa la porte du 2A. Il pouvait entendre le bruit de l’eau couler – décidément, il était le seul à ne pas être au courant que c’était douche o’clock ? – et sentir l’odeur du café. Décidément, Annie était parfaite. Il laissa tomber le courrier sur le comptoir de la cuisine, sauf son magazine, qu’il garda en main, tandis qu’il tendait le bras pour prendre un mug sur une des étagères, et se servit une grande tasse. "BANANNIEEE, C'EST MOI !" S’exclama-t-il en approchant de la porte entrouverte de la salle de bain pour s’annoncer. La dernière fois qu’il lui avait parlé alors qu’elle était dans la douche, elle avait poussé un cri strident et avait bien failli tomber. Comme il ne désirait pas avoir le décès de son Annie sur la conscience, désormais, il criait à la cantonade. Prenant une grande gorgée de café, il s’adossa au montant de la porte de la salle de bain. "Alors, voyons-voir,  Verseau…" Il tourna vite les pages de sa revue pour arriver à la dernière, avant de se mettre à lire tout haut. "Dans la travail, la patience sera de mise, car il ne servira à rien de vouloir brûler les étapes. Risques de poussées d'eczéma." Il passa sa tête dans l’entrebâillement de la porte pour qu’elle puisse correctement l’entendre ricaner. "Haha, tu vois, même Design Weekly te dit que t’as mauvaise mine. Ne faites pas trop confiance à votre mémoire, surtout en ce qui concerne les questions matérielles ; notez tout, en particulier les factures que vous devez régler à date fixe ; cela vous évitera de gros ennuis. Ouais, enfin ça, j’aurais pu te le dire moi-même, vu la tonne de courrier qui t’attend dans la cuisine." Cette habitude de lui lire son horoscope le matin datait de leur cohabitation à Cardiff, car il savait qu’elle détestait ça – surtout les commentaires qu’il se plaisait à ajouter. A l’époque, il le faisait par pur envie de la faire râler, mais désormais, ça avait plus du syndrome du bon vieux temps qu’autre chose.

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Who lives in a pineapple under the sea ? Presque automatiquement, Annie fredonna la suite. SpongeBob SquarePants. C'était le même rituel tous les matins. La jeune femme était réveillée par le générique des dessins animés qui avaient bercé son enfance. C'était ce qu'il y avait de plus beau dans le célibat d'après elle. Être libre d'écouter la musique des Pokemon sans que personne ne vous juge. Puis comme ça elle avait l'impression, l'espace de quelque secondes, qu'elle était encore âgée de dix ans. Annie s'étira, bâilla avec la grâce d'un hippopotame et appuya sur son réveil afin de couper la musique. D'une manière quasi-machinale elle alla dans la cuisine ouverte sur son salon et commença à préparer du café. C'était vraiment une boisson dont elle ne saurait se passer. Surtout depuis qu'elle avait fait l’acquisition d'une machine bien connue, et qu'elle espérait voir George pointer le bout de son nez chez elle d'un moment à l'autre. Et puis l'odeur du café achevait généralement de la réveiller. Annie fila ensuite dans la douche. Elle faisait partie de ces gens qui préféraient se laver avant de commencer la journée, pour la bonne et simple raison qu'à ses yeux, il était moins risqué d'être pleinement réveillée avant de prendre son petit déjeuné, sous peine de finir la tête plaquée sur sa tartine de Nutella. Ainsi, donc, elle tourna les robinets et commença à se doucher. Nettoyer, astiqueeeeer... Ne cherchez pas à savoir pourquoi elle entonnait ces paroles sur l'air de la Reine des Neiges, elle même ne le savait pas. BANANNIEEE, C'EST MOI ! La voix de son meilleur ami lui fit lâcher son pommeau de douche, qui virevolta avec joie dans les airs, n'oubliant pas d'arroser toute la pièce et Annie au passage avant devenir tomber dans la baignoire dans un grand bruit sourd. Elle soupira. Elle ramassa le pommeau d'un geste las en se disant qu'elle prendrait un jour sa revanche, il ne fallait pas qu'Isaac prenne goût à ce genre de plaisanterie. TU M'AS FAIS PEUR ESPÈCE DE... DE ! L'inspiration ne lui venait pas en ce jour. Annie poursuivit donc son lavage et commença à mettre du shampoing, tant qu'elle y était, ne s'inquiétant pas trop pour Isaac qui prendrait rapidement ses aises, elle le savait. La voix du jeune homme ne mis d'ailleurs pas longtemps à s'élever de nouveau. Elle distingua ses paroles à travers le bruit de la douche. Alors, voyons-voir,  Verseau… Nouveau soupire. Il ne s'arrêtait donc jamais ? En lui proposant l'appartement à côté de chez elle, elle ne s'était pas douté qu'elle goûterait à nouveau à presque tous les plaisirs de sa colocation passée avec lui. Et l'horoscope faisait partie de ces choses qui ne lui manquaient pas. Pitié... Dans la travail, la patience sera de mise, car il ne servira à rien de vouloir brûler les étapes. Risques de poussées d'eczéma. Annie leva les yeux au ciel tout en éteignant l'eau. Elle tira le rideau et sortit de la douche, puis commença à se sécher. Quel genre d'horoscope pouvait commenter la peau des lectrices ? Annie pour cela restait très terre-à-terre et elle supportait difficilement les pauvres filles dont la vie ne dépendait que des prévisions d'un pseudo-astrologue qui leur prédit chaque semaine la venue de l'âme soeur. Mais là c'était différent. C'était Isaac. Et même si elle ne le montrait pas, ce rituel la faisait bien rire. Et puis ça la rendait nostalgique du "bon vieux temps" quand elle habitait encore avec Iz'. Haha, tu vois, même Design Weekly te dit que t’as mauvaise mine. Ne faites pas trop confiance à votre mémoire, surtout en ce qui concerne les questions matérielles ; notez tout, en particulier les factures que vous devez régler à date fixe ; cela vous évitera de gros ennuis. Ouais, enfin ça, j’aurais pu te le dire moi-même, vu la tonne de courrier qui t’attend dans la cuisine. Annie leva les yeux au ciel de plus belle. Ce qu'elle détestait par dessus tout ? Les commentaires que le jeune homme s'amusait à faire. Mais bon, elle n'avait pas grand chose à dire, elle aussi aimait bien fourrer son nez un peu partout, surtout lorsqu'il s'agissait d'Isaac Christmas.

Annie sortit enfin de la salle de bain. Elle était vêtue d'un t-shirt arborant une licorne sur sa poitrine, d'un mini-short d'intérieur et surtout, d'une serviette de bain nouée sur la tête à la manière d'un turban, afin de sécher ses cheveux. La femme sexy dans toute sa splendeur. Mais bon, encore une fois, c'était Isaac, et il en avait déjà vu de toutes les couleurs avec elle. Au fil des années, elle n'avait plus grand chose à lui cacher. Et puis lui-même était vêtu de la plus belle des façons : un superbe t-shirt I love Cardiff et un bas de pyjama. La perfection en un homme. J'adore ton t-shirt, lança-t-elle en s'approchant de lui et en déposant un baiser sur sa joue. Elle fila ensuite se préparer une tasse de café et sortit du pain et du Nutella, sans quoi elle ne pouvait décemment commencer la journée. Puis elle vint apporter le tout à table et s'installa en tailleur sur sa chaise. Son regard se posa enfin sur la pile de lettre - probablement uniquement des factures - entassées sur sa table. Han, j'avais pas vu qu'il y en avait autant... Il fallait dire qu'Annie prenait généralement le plus grand soin d'éviter sa boîte aux lettres du regard à chaque fois qu'elle passait devant, se doutant qu'il n'y avait vraiment rien de réconfortant à l'intérieur. Cela lui causait généralement bien des ennuis. Mais heureusement, elle pouvait compter sur Isaac pour la rappeler à ses obligations d'adulte. Toujours pas de machine à café ?, demanda-t-elle en relevant la tête. Son ami était lui aussi grand amateur de cette boisson et il tenait mal le manque de caféine. Aussi était-elle contente de le voir rappliquer chez elle plus souvent que d'habitude à cause de cette machine cassée et aussi de sa nouvelle colocataire. Elle haussa un sourcil en lui souriant. Ou bien est-ce à cause d'une certaine jeune femme ? Elle aimait bien le faire râler en lui rappelant constamment ce qu'il préférerait oublier. Et puis il l'avait bien chercher. Aux yeux d'Annie, Seah, la fille en question, était encore bien trop présente à l'esprit d'Isaac, et il était clair pour elle qu'il n'avait pas encore tourné la page sur leur relation. Et comme Annie sautait sur la moindre histoire pour en faire une magnifique histoire d'amour... Elle aimait décidément charrier son ami avec ça.