Aller au cinéma c'était toujours mieux que de rester devant la télévision pendant des heures à changer de chaînes toute les cinq minutes. Et ça tu l'as très vite compris quand tu as vu qu'à seize heures de l'après-midi tu n'arrivais déjà pas à trouver un programme décent à regarder. Du coup, tu t'étais finalement décidé à bouger tes belles petites fesses jusqu'au cinéma puisque c'était soirée spéciale. En plus, ce n'était pas cher ! Seulement 13£ pour revoir des scènes cultes de cinéma et avoir du popcorn gratuit. Enfin, surtout pour avoir du popcorn gratuit car sérieusement pour une fois qu'ils offrent un truc que ton organisme digère bien, autant en profiter ! C'est pourquoi tu avais décidé de te préparer à partir de vingt-heures afin d'arriver vers vingt-et-une heure au cinéma. Et tu ne t'étais pas ratée car après t'avoir maquillée, coiffée et habillée (tu n'allais tout de même pas aller au cinéma en tenue d'Eve, si ?), tu avais pris ta voiture pour te conduire jusqu'au cinéma du coin. Et autant dire que c'était déjà bondé de monde. Néanmoins, tu étais rassurée. Car si c'était bondé de monde tu aurais moins de chance d'être remarqué et c'était tant mieux. Avoir les regards de dix milles mecs en manque de filles te répugnait à un tel point. Sans oublier que ça te gênait aussi. Bref, tu avais finalement traversé la foule sans trop de problème même s'il fallut bousculer certaines personnes. Tu étais désormais fin installée dans ton siège et tu espérais profondément ne pas croiser Lennox. Surtout pas lui. Tu voulais passer une agréable soirée mais si tu devais l'apercevoir ta soirée serait ruinée. Tu priais donc intérieurement dévorant déjà ton popcorn alors que ça n'avait pas encore commencé.

La main d’Isaac se perdit machinalement dans le seau de pop-corn. Sur l’écran, Audrey Hepburn et Cary Grant se crêpaient le chignon dans un taxi. Cultissime. Cela dit, puisqu’il l’avait déjà vu cent fois, précisément dans ce cinéma, il se leva nonchalamment pour aller rejoindre une autre salle. A croire qu’ils avaient un nombre restreint de bandes. La récession, mon pauvre ami, tout le monde en souffre. L’Odeon étant situé à deux pas de son appart, Isaac y était souvent, et c’était l’euphémisme du jour. Il s’était mis de cela bien longtemps les employés dans la poche, donc pour lui, le popcorn illimité n’était qu’une simple formalité. Il avait envoyé une floppée de sms, attendant de voir qui se pointerait. De toute façon, avec du popcorn salé en suffisance et Audrey Hepburn, on n’est jamais vraiment seul. Décidant que la salle trois serait la suivante sur la liste, car il venait de la deux, et jamais deux sans trois, il poussa la porte et s’assit au bord de la première rangée qui apparaissait. Ici, c’était plus moderne. Présentement, Mark de Love Actually faisait défiler ses pancartes sur le seuil de chez Juliet. Ce n’était pas trop son genre de films, mais il connaissait. Tournant la tête pour prendre compte de l’occupation de la salle, il se rendit compte qu’à un siège de lui, la brune au popcorn, il la connaissait. Glissant sur le siège vide entre eux deux, il chipa quelques grains de maïs dans son seau à elle – alors qu’il avait toujours le sien sur l’accoudoir. "Toi, dans la salle des comédies romantiques ? Qui l’eut cru ?" chuchota-t-il en direction de Kira, son habituel sourire en coin au bord des lèvres – celui dont on lui avait déjà dit qu’il ressemblait au chat du Cheshire. Mais les films pour enfants, c’était salle un.

Love actually ou le film que tu as du regarder une centaine de fois. Aussi étonnant que cela puisse paraître, tu adorais les films romantiques même si, ça te défonçait ton coeur. Parce que clairement t'étais pas dans la bonne période pour regarder des films d'amour cul-cul alors que tu venais de rompre avec ton gars. Surtout avec ce qu'il t'a fait. Mais visiblement, t'aimais ça te faire souffrir. T'aimais ça, regarder des films cul-cul qui te feront rêver d'une vie amoureuse épanouie qui fini étonnement toujours bien. Toi par contre, tu ne l'as jamais connue cette vie amoureuse épanouie. Ou du moins, la fin de tes relations se passaient toujours assez mal. Et c'était toujours toi qui rompait à croire que ta destinée c'était de rester seule. Des fois, tu te demandais si tu méritais vraiment d'être amoureuse. Peut-être que c'était ça le problème, peut-être que tu n'étais pas prête à vivre une vie amoureuse. Ou alors, le malheur ne te quitte pas et ça, c'est bien possible après tout! Néanmoins, ça rejoint bien l'idée que tu t'étais fait de l'amour : éphémère. Il n'y a que dans les films à l'eaux de rose que tout se termine bien. Tu n'avais qu'à voir tes parents qui ont finalement divorcé aux multiples incartades de ta mère. Alors t'étais allé dans la salle deux pour te niquer ton petit coeur et manger du pop-corn parce que ô mon dieu, le pop-corn te réconforte. Et alors que tu regardais les pancartes de Mark défilaient devant Julie, tu sentis une présence se rapprocher à toi. Toi, dans la salle des comédies romantiques ? Qui l’eut cru ? Tu souriais alors te retournant pour voir le visage d'Isaac. Toujours ce sourire en coin. Ce sourire charmeur qui en faisait tomber plus d'une d'ailleurs! Ce qui est encore plus étonnant c'est de te voir dans la salle des comédies à l'eau de rose ! Reprenant une bouchée de pop-corn tu reposais ton regard vers l'écran avant de te retourner vers Isaac. Puis, arrête de voler mes pop-corns j'en aurais plus après!

Enfin une soirée tranquille. Pas de concert, pas de choses à faire au salon de thé. Pour être honnête, il pensait passer du temps avec les gars, mais c’était sans compter sur Joe qui avait des révisions à faire avec une amie et Avery qui était déjà introuvable. Tant pis. Ce n’est pas si grave après tout et ça lui permet aussi de faire autre chose. Mais quoi ? Après une longue et intense réflexion avec lui-même, il s’est décidé de partir pour le centre-ville afin de se balader à la recherche d’une chose à faire, il pourrait appeler Ray ou Roméo…. Quelqu’un du groupe et passer du temps avec ou encore Taylor ou peut-être June pour une soirée un peu chaude. Lentement, il hausse ses épaules, finalement, il n’a pas envie de tout ça et un soupir lui écorche la bouche. C’est rare quand il ne sait pas quoi faire. Il aurait pu rester à la maison et composer encore et encore, pour une fois, qu’il n’aurait fait chier personne à chanter à tue-tête. Finalement, ses pas le guide jusqu’au cinéma et rapidement, il paye une place. Pourquoi pas après tout et puis, l’évènement lui permettra de revoir des grands films, c’est pas si mal. Confortablement installé dans la salle, ses yeux ne quittent pas l’écran mais quand il se sent renifler et que ça le picote à cause des larmes, il grimace. Cette scène lui fera toujours autant d’effet. Il fouille avec rapidité dans ses poches à la recherche d’un quelconque mouchoir, mais rien ! « Baka… (idiot) » Il se rend compte alors que des personnes parlent plus loin et se dit que ça ne ferait peut-être rien de les déranger. « Pardon, vous auriez un tissu ? » Même encore maintenant, il dispose d’un langage approximatif parfois, les mots corrects ne sortant pas de sa bouche. Il reconnait alors le jeune homme. « Oh ! Isaac-san » Il a encore des réflexes de langages japonais mais heureusement pour lui, les gens trouvent ça adorable. Il s’incline doucement devant eux en souriant avant d’essuyer ses yeux humides.